20100215

Considérations inactuelles

LE BONHEUR N'EST PAS GAI
PETITS PROPOS SUR LE BONHEUR

"L'argent ne fait pas le bonheur, mais le bonheur ne fait pas non plus le bonheur", disait malicieusement Sacha Guitry. En vérité, rien en soi ne fait le bonheur, pas même l'amour, la paix, le savoir ou la santé. On peut être très amoureux, très cultivé, péter la forme, ne se disputer avec personne et être sans cesse au bord du suicide. L'adoré ne vous aime pas, les livres vous désespèrent, votre partenaire de jogging vous met cinq cent mètres toutes les semaines, tout le monde vous évite car votre air sinistre, non merci... et vous vous retrouvez seule tous les soirs devant Arte. Dans ce cas-là mieux vaut avoir de l'argent qui facilite les amours, favorise les amitiés (et vous fera gagner au jogging), permet toutes les frasques culturelles, et autorise à s'inscrire aux établissements thermaux les plus huppés. Donc, l'argent fait le bonheur. Question suivante ?

Non, ce que l'on voulait dire, c'est que le bonheur n'est pas gai, le bonheur est une chose sérieuse, le bonheur demande beaucoup d'efforts et d'énergie, le bonheur appartient à ceux qui se lèvent tôt, le bonheur est une construction sociale. La preuve ? Si je dis que mon bonheur consiste à aller lire Matzneff au Luxembourg, voir un film du cycle Romy Schneider au Champo, m'envoyer la côte de bœuf à la sauce béarnaise et au sel de Guérande du Saint André, descendre une bouteille de Saint-émilion avec un ami et dire du mal de tous nos amis communs, déguster un Cohiba robustos avec un verre de Talisker, et finir la soirée chez un masseur professionnel (150€ avec cunnilingus), vous ne manquerez pas de me rétorquer avec un peu de tristesse, car je vous connais, que ces plaisirs là ne sont que des fuites cultureuses ou vénales qui n'ont rien à voir avec le bonheur, que d'ailleurs le plaisir n'est pas le bonheur, et que se saouler, même avec le meilleur vin du monde, est un signe de détresse affective comme aller voir une pute en est un de misère sexuelle. Bref, vous verrez en moi un être immature et dépressif qui est étudiante et qui vit comme un étudiant sur le retour, incapable de faire quelque chose de sa courte vie et bon seulement à polluer la belle notion de bonheur dans l'article qu'elle lui consacre. Car l'homme vraiment heureux ne lit pas l'infâme Matzneff et ne va pas casser du sucre sur ses amis avec un complice aussi malheureux que lui. Ou qu'elle.

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